poussières d'étoiles

poussières d'étoiles

Observer le ciel en période de confinement

 

Observer le ciel en période de confinement

 

Que vous habitiez en milieu urbain ou à la campagne, dans un appartement ou une maison, si vous voyez un bout de ciel vous pouvez faire des observations en avril.

 

Si je ne peux pas vous promettre d’observer le ciel en votre compagnie dans les semaines qui viennent, je peux néanmoins vous offrir un moment de quiétude et de contemplation des étoiles. J’ai assemblé dans le court-métrage d’une quinzaine de minutes qui ouvre ce billet plusieurs dizaines de milliers d’images prises à toutes les saisons sous le ciel des Cévennes. Les séquences se succèdent au rythme de la rotation terrestre et du passage des mois : le coucher de la Voie lactée avec son reflet dans le lac des Pises, un hêtre automnal éclairé par la Lune, une pleine lune sur le Lingas enneigé, le crépuscule et l’aube au sommet du mont Aigoual, Vénus et la Lune qui tombent sur l’observatoire des Pises, un champignon lunaire poussant sur le causse Méjan, la Voie lactée balayée par les nuages au-dessus des gorges du Tarn, Jupiter et Saturne entourées par les étoiles du Scorpion et du Sagittaire, la beauté d’un ciel d’été, la Voie lactée, les avions et les étoiles filantes du mois d’août sur le causse Noir, le coucher de Vénus dans la lumière zodiacale sur le causse Méjan au mois de février dernier et sur l’Aigoual début mars (remarquez les dizaines d’avions et de satellites Starlink visibles sur ces deux vidéos récentes) et le lever d’un mince croissant lunaire déformé par l’atmosphère. La bande-son a été enregistrée dans une prairie sur le causse Méjan lors d’une belle nuit de printemps. Éteignez les lumières, mettez la vidéo en plein écran à la meilleure résolution accessible, montez un peu le son et évadez-vous dans la nuit étoilée !

Le ciel est-il plus clair et les étoiles plus brillantes en cette période de confinement ? Difficile de répondre lorsque l’on est soi-même confiné sous la chape de pollution lumineuse d’une grande ville. Il faudrait pouvoir sortir, s’éloigner des lumières innombrables qui continuent d’éclairer bien inutilement les rues désertes, et passer la nuit dehors pour comparer avec nos souvenirs. L’agence spatiale européenne vient de diffuser les résultats des mesures réalisées entre le 14 et le 25 mars par le satellite Copernicus Sentinel-5P qui montrent que le confinement a provoqué une importante diminution des émissions de dioxyde d’azote dans toute l’Europe par rapport au mois de mars 2019. Il n’est pas impossible que cela entraîne une amélioration de la transparence de l’atmosphère et que, loin des lumières urbaines, les étoiles apparaissent ainsi un peu plus brillantes. Ce qui est sûr, en revanche, c’est que la très importante diminution du trafic aérien se traduit par une réelle tranquillité visuelle et sonore une fois la nuit venue, ce qui contribue à la sérénité qu’apporte la contemplation du ciel étoilé. Alors, le confinement induit-il une amélioration mesurable des conditions d’observation ou bien nous amène-t-il simplement à regarder plus intensément le ciel et la nature pour y puiser stabilité et réconfort en cette période troublée ? La question reste posée, mais je vous invite à y répondre à votre manière en admirant les planètes, la Lune et les étoiles chaque fois que vous le pourrez.

La planète Vénus est immanquable dans le ciel du soir actuellement… si vous pouvez regarder vers l’ouest ! Elle est visible loin au-dessus de l’horizon dès le coucher du Soleil. Sur cette image prise le 14 mars, Vénus se situait encore à près de 20° sous l’amas d’étoiles des Pléiades qu’elle va traverser le 3 avril.
© Guillaume Cannat

Bien sûr, l’observation des astres en période de confinement n’est pas forcément aisée. De plus en plus de villes sont soumises à un couvre-feu donc tout dépend de l’orientation des fenêtres ou de l’éventuel balcon de votre logement, ainsi que de votre environnement immédiat qui peut cacher tout ou partie de la voûte céleste. Si vous avez la chance d’avoir une vue dégagée vers l’ouest, vous pouvez profiter en avril de l’éclat de Vénus dans le ciel du soir : cette planète brille intensément dès le coucher du Soleil et elle attire les regards jusqu’à plus de minuit. Avec une fenêtre donnant vers le sud-est, privilégiez les observations matinales pour repérer les planètes Mars, Saturne et Jupiter ; s’il est moins puissant que celui de Vénus, l’éclat de Jupiter est tout de même immanquable à l’aube, et Mars et Saturne forment une belle paire à 6° sur sa gauche en début de mois avant de se disperser. Dans les autres directions, il faudra vous contenter des étoiles et des bouts de constellations que vous pourrez identifier en utilisant les cartes disponibles dans ce billet. Et puis, il y a la Lune, qui promène ses croissants délicats et ses rondeurs gibbeuses tout au long de son cycle et que vous parviendrez sûrement à attraper à un moment ou un autre du mois. Dès que le temps se mettra au beau, pensez à tourner les yeux vers le ciel, cela vous sortira pendant quelques minutes du rythme étouffant des informations déprimantes.

Quelques rendez-vous célestes à ne pas manquer
Le vendredi 3 avril, Vénus traverse l’amas d’étoiles des Pléiades dans le ciel du soir. Une heure et demie après le départ du Soleil, le phare vénusien brille à plus de 25° de hauteur au-dessus de l’horizon ouest et son intensité lumineuse est telle que les Pléiades sont délicates à voir à l’œil nu. Il faut dire que Vénus est vraiment pelotonnée dans ce buisson d’étoiles puisqu’elle ne passe qu’à 0,3° d’Alcyoné, l’étoile la plus brillante de l’amas. La course de Vénus autour du Soleil l’amène à croiser les Pléiades chaque année, mais les conditions ne sont pas toujours aussi favorables puisque la conjonction peut se produire à proximité apparente du Soleil, ce qui empêche de l’observer, ou alors Vénus peut cheminer à plusieurs degrés des Pléiades. Les meilleures conditions d’observation se produisent au printemps tous les huit ans, lorsque Vénus atteint son élongation maximale juste avant de croiser l’amas, ce qui est le cas cette année.

Le jeudi 9 et le vendredi 10 avril, une heure et demie avant le lever du Soleil, Mars, Saturne et Jupiter sont à plus de 10° de hauteur au-dessus de l’horizon sud-est et l’écart entre Mars et Jupiter est d’un peu plus de 11°. La Terre est lancée dans une course-poursuite avec Mars qui se conclura par une superbe opposition de la planète rouge au mois d’octobre. Nous gagnons du terrain jour après jour, nous rattrapons progressivement Mars sur son orbite, et cela se voit car l’éclat martien ne cesse d’augmenter : il est à présent équivalent à celui de Saturne et, en octobre, il dépassera celui de Jupiter.

Le mercredi 15 avril à l’aube, quelques jours après Pâques, il reste encore un bel œuf à décrocher dans le ciel. Une heure et demie avant l’arrivée du disque solaire, le dernier quartier lunaire est en effet « caché » entre Saturne et Jupiter, à près de 12° de hauteur au-dessus de l’horizon sud-est. Ces astres forment un beau triangle qui entre dans le champ de la plupart des jumelles ; un tel instrument vous permettra en outre de distinguer les petits points de certaines des lunes galiléennes juste à côté du disque jovien. Remarquez la vitesse à laquelle Mars s’éloigne de ces deux planètes géantes : elle est déjà à une dizaine de degrés sur la gauche (l’est) de Saturne.

Le jeudi 16 avril à l’aube, une heure et demie avant la montée du Soleil dans le ciel, Mars et le gros croissant lunaire brillent au cœur du Capricorne. Ce couple est à plus de 5° de hauteur au-dessus de l’horizon sud-est et son repérage à l’œil nu en milieu urbain ne devrait pas poser de problème depuis un site surélevé comme le toit d’un immeuble si vous y avez accès. Les étoiles environnantes de la constellation du Capricorne sont en revanche plus délicates à distinguer dans un ciel éclairci par un excès de lumière. Cette figure céleste est l’une des plus anciennes inventées par nos ancêtres. On en trouve la trace, il y a plus de quatre mille ans, dans la mythologie sumérienne et, bien après, les Grecs l’ont incluse dans leur mythologie pour rappeler un épisode de la guerre des Titans contre les dieux de l’Olympe. Afin de se protéger lors d’un combat qui ne tournait pas à leur avantage, les dieux se transformèrent en animaux et tentèrent de prendre la fuite. Le dieu Pan, qui avait alors l’apparence d’un bouc, plongea dans l’eau en souhaitant se transformer en poisson mais, dans la panique de l’instant, sa métamorphose fut incomplète et seule la partie arrière de son corps changea. Sortant la tête hors de l’eau, et voyant que Zeus, paralysé par Typhon, était en mauvaise posture, il poussa un cri tellement puissant et effrayant qu’il mit en fuite le Titan. Quelque temps après, les Titans enfin vaincus et placés sous la garde des Géants aux cent bras, Zeus remercia Pan en installant le Capricorne sur la voûte céleste, une représentation de la créature, mi-poisson mi-bélier, qu’il avait créée.

Après son élongation maximale du 26 mars Vénus a commencé à se rapprocher de la Terre et à glisser lentement vers la position apparente du Soleil. La diminution de son élongation solaire va accélérer spectaculairement le mois prochain, mais cette planète est encore très bien placée pour les observations dans le ciel du soir. Trois semaines après sa traversée des Pléiades, Vénus est déjà à plus de 16° de ce superbe amas stellaire. Le samedi 25 et le dimanche 26 avril à la fin du crépuscule, nous la voyons briller tout en haut de la constellation du Taureau, à une vingtaine de degrés de hauteur au-dessus de l’horizon ouest-nord-ouest, et le croissant de la jeune lune vient lui rendre visite.

Phases de la Lune en avril
La Lune est au premier quartier le 1er dans les Gémeaux, pleine le 8 dans la Vierge, à son dernier quartier le 15 dans le Sagittaire, nouvelle le 23 dans la Baleine et de nouveau au premier quartier le 30 dans le Cancer.

Consultez également la page desphases lunaires pour l’année 2020.

Le ciel d’avril
Avril plaque Orion et le Grand Chien contre l’horizon ouest à la fin du crépuscule. Ce sont les derniers éclats de Rigel, Bételgeuse et Sirius, que nous retrouverons à l’aube au fil de l’été. La tête d’affiche est offerte au Lion ce mois-ci. Régulus, Denebola et leurs compagnes brillent à plus de 50° de hauteur au-dessus de l’horizon sud en début de nuit. Elles dominent un vaste désert pour les observateurs urbains, car les figures de l’Hydre femelle, de la Boussole ou de la Coupe qui emplissent cette portion du ciel ne possèdent pas d’étoiles assez éclatantes pour percer le voile nauséeux de la pollution lumineuse. Seul le petit quadrilatère du Corbeau pourra éventuellement attirer votre regard, mais ce n’est pas la figure la plus intéressante qui soit, même si elle abrite quelques nébuleuses et galaxies superbes à voir dans un grand télescope. La Vierge et le Bouvier, avec leurs brillantes étoiles Spica et Arcturus, sont de bien plus belles créations. Elles s’élèvent à l’est du ciel au début des nuits printanières et vous pouvez utiliser la courbure du manche de la Casserole (Grande Ourse) pour arriver à leur niveau. À propos de la Casserole, remarquez qu’elle se situe au plus haut de sa trajectoire nocturne, il est donc impossible de la manquer, ce qui peut arriver lorsqu’elle flirte avec l’horizon et que des arbres ou des bâtiments la cachent. Àl’est-nord-est, Véga et Deneb annoncent l’arrivée du Triangle de l’été. En fin de nuit, nous contemplons le ciel tel qu’il apparaît au début des belles nuits d’été avec le Scorpion et le Sagittaire au sud et la Voie lactée arquée vers le zénith. Cette année, Vénus anime l’ouest en début de nuit et le trio Mars-Jupiter-Saturne brille magnifiquement au sud-est à l’aube.

Carte du ciel visible en avril 2020 vers la fin du crépuscule à la latitude de la France métropolitaine. La position de Vénus par rapport aux étoiles du Taureau est précise pour le milieu du mois. Les cartes de ce billet peuvent être utilisées en Europe et dans le monde à l’intérieur d’une bande s’étendant de 38° à 52° de latitude nord. Si vous êtes à plus de 45° nord, l’étoile Polaire sera plus haute dans votre ciel et, le soir, Régulus du Lion sera d’autant plus proche de l’horizon sud. Si vous êtes à moins de 45° nord, l’étoile Polaire sera plus proche de l’horizon nord et Régulus sera plus éloignée de l’horizon sud. Cliquez sur la carte pour l’afficher en grand et l’imprimer pour votre usage personnel.

Cette carte montre le ciel visible en avril 2020 à l’orée de l’aube à la latitude de la France métropolitaine. Remarquez l’alignement apparent des planètes Mars, Saturne et Jupiter au sud-est de la voûte céleste. Attention, les cartes de ce billet ne sont pas à l’envers ! Elles représentent simplement les astres qui sont situés au-dessus de nos têtes. Si vous vous allongiez avec la tête vers le nord et les pieds vers le sud, l’est serait bien à votre gauche et l’ouest à votre droite. Utilisez ces cartes en les imprimant et en les faisant tourner de telle sorte que le nom de la direction dans laquelle vous observez soit écrit à l’endroit. Les constellations et les étoiles que vous retrouverez dans la portion du ciel qui vous fait face sont toutes celles dont le nom est lisible sans trop pencher la tête. Les noms des constellations et de leurs principales étoiles sont indiqués, ainsi que le tracé des constellations les plus importantes ; ce tracé est parfois incomplet lorsque la figure est en partie cachée sous l’horizon. Le ciel est très vaste et les constellations qui semblent petites sur les cartes sont, en fait, très grandes : votre main ouverte et bras tendu cache ainsi à peine l’ensemble du Chariot de la Grande Ourse.

Les schémas et les textes de présentation des rendez-vous célestes annoncés dans ce billet sont adaptés de mon ouvrage annuel Le Ciel à l’œil nu en 2020. De superbes phénomènes astronomiques se produiront cette année, plusieurs rapprochements serrés entre les planètes Mercure, Vénus, Mars, Jupiter et Saturne – avec notamment un somptueux passage de Jupiter à 0,1° seulement de Saturne ! –, Vénus qui sera occultée par le croissant lunaire en juin, une remarquable opposition de Mars et les plus belles étoiles filantes d’août, de novembre et de décembre qui fuseront dans un ciel bien sombre. Pour ne manquer aucun de ces spectacles, utilisez mon Calendrier Astronomique 2020 et pour savoir comment les observer ou les photographier, lisez Le Ciel à l’œil nu.

 

Une information pour prolonger mon billet récent sur les méga-constellations de satellites : suite à la crise financière provoquée par le coronavirus qui ne lui permet plus de lever les fonds nécessaires à son développement, la société OneWeb a déposé le 27 mars une demande de mise en faillite. OneWeb envisageait de mettre en orbite plusieurs milliers de satellites.
Source : Ars Technica

Guillaume Cannat (pour être informé de la parution de chaque nouvel article, suivez-moi sur Twitter, sur Facebook ou sur Instagram)



01/04/2020
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au site

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 32 autres membres