poussières d'étoiles

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les plus beaux spectacles de la voie lactee

Les textes de ce feuilleton dominical estival ont été rédigés au gré de mes observations. Instants d’émotion, évocations des mythologies stellaires, réflexions sur l’Univers, je souhaite qu’ils vous incitent à vous éloigner des lumières artificielles pour respirer et penser plus sereinement sous un ciel chargé d’étoiles.

 

http://autourduciel.blog.lemonde.fr/2016/07/31/des-etoiles-dans-les-yeux-5/

 

les plus beaux spectacles de la voie lactee

Le nord de la Voie lactée estivale
La portion nord de la Voie lactée estivale visible aux latitudes européennes, du double amas d’étoiles de Persée, au ras des cimes, jusqu’à la constellation du Cygne, aux abords du zénith. En bas à droite, la tache cotonneuse oblongue de la galaxie d’Andromède nous permet de contempler une autre Voie lactée, située à près de 2,4 millions d’années-lumière de nous. Un peu plus bas encore, une autre petite tache floue apparaît : la galaxie Messier 33, une mégalopole stellaire encore plus distante, à près de 3 millions d’années-lumière. Moins dense et moins épanouie que la Voie lactée visible dans les constellations du Sagittaire et du Scorpion , la Voie lactée qui domine l’horizon nord-est au début des nuits de l’été est tout de même spectaculaire quand on l’observe loin des lumières urbaines. En haut de l’image, juste sous la nébuleuse de l’Amérique du Nord, un avion a laissé sa trace durant les 30 secondes de cette pose photographique. Technique : cette photo est une mosaïque de 36 images prises à près de 2 300 m d’altitude dans les Pyrénées avec un boîtier Nikon D700 et un objectif de 85 millimètres de focale ouvert à 3,2. Pose de 30 secondes par image (2 000 ISO) ; entraînement motorisé pour compenser la rotation de la Terre, ce qui explique pourquoi les arbres au premier plan sont un peu flous. Le contraste est naturellement moins marqué à l’œil nu, mais cette portion de la Voie lactée est malgré tout parfaitement visible dans un ciel de qualité.
© Guillaume Cannat

Je n’aurais pas besoin de réfléchir longtemps si l’on me demande un jour quel est le plus beau spectacle céleste, celui qui fait naître en moi l’émotion la plus intense. Plus saisissant que la rondeur cristalline des anneaux de Saturne, plus émouvant que les volutes vaporeuses de la grande nébuleuse d’Orion ou que les agrégats diamantés des amas stellaires, plus impressionnant encore que les reliefs changeants des cratères lunaires ou que les éruptions tumultueuses de la surface solaire, le spectacle céleste qui me laisse pantois chaque fois qu’il m’est donné de le contempler est également le plus commun.

C’est un spectacle pour l’observation duquel il n’est nul besoin de lunettes ou de télescopes automatiques, de caméras électroniques ou de reflex numériques élaborés, et pourtant c’est un spectacle de plus en plus rare et pour lequel il faut généralement se déplacer, sauf si l’on habite dans une région suffisamment préservée de l’abus d’illumination des villes et des villages.

Le plus beau spectacle céleste est pour moi la contemplation à l’œil nu de la Voie lactée lorsqu’elle imprime sa marque dans un ciel si noir qu’il en devient luminescent tellement nos yeux y perçoivent l’éclat sous-jacent de myriades d’étoiles. Elle apparaît alors comme un fleuve en crue brisant ses digues, envahissant les terres nocturnes et déposant partout un limon fertile d’étoiles et de nébuleuses. Quand elle touche le zénith, la Voie lactée symbolise l’anse du panier terrestre garni de si belles promesses. Une telle Voie lactée est sans commune mesure avec l’embryon fantomatique qui parvient parfois à transpercer la lueur insensée qui nous enveloppe trop souvent.

Ne nous berçons pas d’illusions : contempler la Voie lactée dans toute sa splendeur n’est plus vraiment envisageable en Europe. Même dans les lieux protégés, isolés, montagneux, il y a toujours une luminosité qui suinte du moindre hameau ou qui s’étend sur des centaines de kilomètres autour des grandes villes et qui efface partiellement l’empreinte laiteuse de notre Galaxie. Cela n’empêche pourtant pas l’émotion de naître parfois.

Il y a quelques années, alors que j’étais allé mi-décembre dans les Cévennes pour admirer et photographier les étoiles filantes de l’essaim des Géminides, j’ai ainsi été pris de saisissement devant la Voie lactée hivernale qui étreignait la voûte nocturne. J’avais passé plusieurs heures dans une clairière étroite près du lac des Pises à guetter les traînées argentées qui rasaient la cime des épicéas. Ramassant mon matériel en milieu de nuit et prenant la route du retour, je débouchai soudain dans un espace largement ouvert, l’une de ces landes ouvragées qui habillent le plateau du Lingas. La lueur des phares se réfléchissait sur la neige, mais le ciel me semblait anormalement clair. Je m’arrêtai, coupai le contact et sortis dans la nuit.

L’espace d’une seconde troublante j’eus l’impression de pénétrer dans la représentation idéalisée d’un logiciel d’astronomie. Du Cygne à la Poupe, les flots nacrés de l’arche lactée baignaient un golfe noir et la discrète luminosité des horizons révélait délicatement la jonction du ciel et de la Terre, faisant naître cette image presque trop parfaite. Je restai longtemps les yeux perdus dans les étoiles. J’entendais le babil discret d’une rivière proche et les appels réguliers de plusieurs chouettes en chasse. Je ne bougeais pas, m’imprégnant de cet instant d’éternité avant de redescendre dans la vallée des hommes. Des années après, le souvenir de cette scène est toujours aussi vif et je n’ai même pas besoin de fermer les yeux pour qu’elle surgisse devant moi.

 



01/08/2016
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