poussières d'étoiles

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Les Celtes - Histoire d'un mythe.

Les Celtes - Histoire d'un mythe.

 

L'ouvrage de JL Brunaux se propose d'examiner tout ce qu'on a dit sur les Celtes depuis l'Antiquité (rien que ça) et de voir ce qu'on peut en tirer, sachant que de nos jours, on peut faire dire tout et n'importe quoi à la notion de Celte. Ayant déjà pas mal gratté ce type de sujet sur la construction d'une identité nationale, je trouve que ce livre complète assez bien mes recherches et d'autres ouvrages moins polémiques sur la question.

Un bouquin d'historiographie* donc, qui cite bien ses sources, et où on tape un peu sur tout le monde (et moi j'aime bien quand les auteurs se tapent un peu les uns sur les autres, c'est comme ça). Après une petite mise en contexte appuyée par cette citation de Tolkien:

 

«Les Celtes, quel que soit le sens qu'on leur donne, sont un sac magique, dans lequel on peut mettre ce que l'on veut et d’où l'on peut sortir à peu près n'importe quoi».

 

On entre dans le vif du sujet. Dans un premier temps, JL Brunaux examine ce que les auteurs antiques ont a dire sur les Celtes et les Gaulois. Cinq chapitres qui traitent des sources antiques contemporaines, et de ce qu'on peut en tirer : de la localisation géographique, des noms de populations, de leurs relations avec les Grecs, de la vision que les différents auteurs ont eue des Celtes et Gaulois au cours de l'histoire, etc.

 

Ensuite, on passe un peu sur le Moyen-Age qui ne s'est pas trop intéressé à la question pour revenir à la Renaissance. En gros, c'est à peu près là que les ennuis commencent, puisque «Dès le début de l'époque moderne, les Celtes sont entrés dans l'imaginaire des savants et lettrés qui avaient accès à la littérature antique (...). Les nations occidentales qui n'avaient pas connu une histoire antique propre trouvèrent soudain en eux des ancêtres qui ne paraissaient pas totalement tributaires de Grecs et des Romains, puisqu'ils avaient vécu en même temps que ces brillants voisins, même antérieurement à eux, disait-on».

 

On voit dès lors la recherche sur les Celtes être marquée par la question des origines, avec des conséquences et des orientations qui varient selon les époques. Elle est aussi très tôt marquée par tout un tas de confusions entre Celtes, Galate, Gaulois, Celtoligures, Celtibères, et même Germains.

Un peu plus tard, on voit le développement de l'étude des langues dites celtiques avec la naissance de la théorie indo-européenne en linguistique.

Puis l'apparition au XIXe du panceltisme, «la croyance en l'appartenance à une communauté plus large que la nation, définie par une même origine ethnique et dont la langue et certaines traditions sont censées être la preuve».

 

On arrive à mon époque favorite en la matière, celle de tous les n'importe quoi qui entachent encore les connaissances populaires (l'amalgame mégalithes - druides - légendes arthuriennes - beurre salé).

 

Au XXe siècle on commence à concevoir comme Celtes les territoires du nord-ouest Atlantique de l'Europe (Irlande, Ecosse, Pays de Galles, Cornouailles anglaise et Bretagne), partant du postulat que puisqu'on y parle (ou on a parlé) des langues de famille celtique, il doit bien rester quelque chose.

Les études des textes irlandais médiévaux sont mis en rapport avec les découvertes archéologiques d'époque antiques par des gens comme, disons, Guyonvrac'h, en dépit de toute cohérence dans la méthode.

Enfin, Brunaux nous parle un peu d'archéologie, et de sa capacité à attribuer le dénominatif «celtique» à des choses qui ne le sont pas nécessairement, surtout que les sources historiques ne confirment rien.

 

Bref ? Bref c'est très intéressant, ça remet beaucoup de choses en question, là je vous ai à peine résumé les chapitres. Je ne vais pas vous spoiler la conclusion, ne serait-ce que parce que j'estime que l'ouvrage mérite d'être lu en dehors de cela, notamment parce qu'il souligne fort bien comment le contexte des différentes époques a pu influencer la nature des théories sur les Celtes - et continue de le faire, coucou les identitaires.

 

Pour le coup j'ai apprécié la lecture... même les chapitres sur les auteurs antiques, parce que j'ai un peu tout oublié de mes lectures (au fur et à mesure que je vieillis bien sur) sur le sujet et que du coup j'étais un peu perdue.

J'ai même le sentiment que tout ça aurait pu être vachement plus synthétique plutôt que de s'étaler sur cinq chapitres, mais je me peux me tromper. C'est aussi un peu verbeux, comme prose, autant être prévenu.

En revanche, j'ai été très contente de voir mise en perspective études des civilisations celtiques et théories sur l'idéologie indo-européenne.

Parce que c'est sous cet angle que cela m'a été enseigné, et que j'en étais fatalement un peu restée là, quoi qu’ayant depuis quelques temps des doutes en forme de «mais» :

- «mais... les celtes (civilisation très avancée) sont donc arrivés sur un territoire vierge de toute population ? Et Cro Magnon !!»

- et un autre mais : «Il est très fréquent d'associer les celtes aux mégalithes (menhirs, dolmens...). Cependant, les mégalithes ont été érigés durant la préhistoire (2 MA avant JC), alors que les celtes ont vécu durant l'Antiquité (2700/1200 ans avant JC. - vraisemblablement à la fin de celle-ci).»

J’ai du mal à suivre la chronologie.

Pourtant, ces thèses sans assises historiques vieilles de deux siècles sont c'est toujours valable.

 

En gros, la théorie des langues indo-européennes naît quand on se rend compte que Sanscrit et Persan ont des points communs lexicologiques, morphologiques et syntaxiques avec les langues européennes.

On part alors du postulat qu'il existe une langue-mère (notion purement théorique d'ailleurs)...

Divers trucs en découlent : si le fait qu'il existe des familles de langues est peu contestable, le fait qu'une langue, un peuple homogène, une culture particulière, c'est moins justifiable.

C'est pourtant ce qui a permis de dire : les Gaulois du Ier siècle, c'est carrément la même civilisation celtique** que les irlandais pré-chrétiens.

Je retiens également que tout ce qui touche aux Celtes et Gaulois depuis la Renaissance a été compris et utilisé sous l'angle de la quête des origines (celle des peuplements, de la langue, de la race)

 

J'en tire deux conclusions :

- d'une part il va falloir que je fasse le deuil de tout un paquet de choses que je pensais savoir. Je n'ai aucun doute sur l'honnêteté de l'enseignement que j'ai reçu, mais c'était il y a ……. ans.

C'est d'ailleurs plutôt une question de vocabulaire : mes connaissances (sur les textes irlandais, sur le peuplement de la Bretagne au Haut Moyen-Age, sur les pièces archéologiques que j'aime) ne sont pas perdues, juste c'est «celtique» qui me pose question puisque j’ai enfin trouvé ma réponse à une réflexion sur l'instrumentalisation de la langue et de la culture à des fins commerciales et surtout politiques (avec une Europe des ethnies qui trouve à présent l'appui des tenants du libéralisme).

C'est du côté de l'imaginaire et de la spiritualité-religion que ça pourrait plus coincer, parce que même si j'ai toujours cherché à comprendre d'où tout cela venait, ça n'empêche pas de se créer une mythologie personnelle qui résiste étonnamment bien au lavage.

- D'autre part, c'était le bouquin parfait pour me réveiller le cerveau, j'ai vu passer des tas de noms d'auteurs que je ne connaissais pas, j'ai appris d'où vient ce qu'on m'a enseigné, et pourquoi...

ça m'a confirmé dans mon envie de me remettre en étude dans le domaine.

Je viens de finir mon article d’une centaine de pages sur «mes ancêtres ? gaulois ? Celtes ? Pourquoi pas Troyens ?

Je pense en refaire un autre et prendre deux axes : religion gauloise et des recherches sur des textes sur la mythologie celtique (pourquoi pas), en ayant toujours l’esprit un peu critique.

 

 

*l'historiographie est la discipline qui étudie comment au cours de l'histoire, on a fait l'histoire partiellement parce qu'un de profs qui la dispensait dictait son cours. Déjà que c'est pas forcément passionnant quand ça concerne une période qui t'intéresse pas...

** j’ai regardé les programmes du coup à Rennes 2 dans les années 2000 sur la matière intitulée «civilisation celtique» qui faisait étudier,

- en première année, la Gaule, les textes irlandais médiévaux, les textes gallois, et aussi la naissance du cycle arthurien.

- Et en deuxième année !!!???? Le mouvement breton (éminemment contemporain pourtant) et le cinéma irlandais sous l'angle de la question de l'indépendance.

Cohérence ? Je cherche encore.



26/08/2018
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