la 2eme guerre de cent ans 1ere période 1er et 2eme chapitres
la 2eme guerre de Cent Ans
138 ans de lutte entreFrançais et Anglais
Principales batailles et traités de paix
et
Tableau chronologique de la guerre de
Cent Ans (1337-1475)
En 1337 (7 octobre):
- Edouard III, descendant direct des Capétiens (du côté de sa mère Isabelle de France, fille de Philippe IV le Bel et épouse d'Edouard II d'Angleterre) annonce au Parlement d'Angleterre son intention de réclamer la couronne de France.
En 1338 (23 mars) :
- Accord entre le roi de France et les seigneurs normands en vue d'une expédition en Angleterre.
En 1339 :
- Le 16 juillet 1339, Edouard III adresse au pape Benoît XII un message où il expose ses droits à la couronne de France et proteste contre l'avance des troupes françaises en Guyenne.
- Vers le 25 juillet 1339, des navires français attaquent les ports anglais de Sandwich et de Rye, mais les français sont repoussés et poursuivis par les Anglais jusqu'à Boulogne.
- Le 1er septembre 1339, Edouard III déclare la guerre à Philippe VI.
En 1340 :
- Signature à Gand, le 25 janvier 1340, de l'alliance Anglo-Flamande.
- Le 24 juin 1340, la bataille navale de l'Ecluse (à proximité de Bruges) rend les Anglais maîtres de la mer.
- Entre le 20 et le 23 juillet 1340, siège de Tournai par les Anglais.
- Une première trêve est conclue en la chapelle de Notre-Dame d'Esplechin, près de Tournai, le 25 septembre 1340.
En 1341 :
- Le duc de Bretagne, Jean III, décède le 30 avril 1341 sans laisser d'héritier direct.
- Le 7 septembre 1341, Philippe VI reconnaît Charles de Blois comme successeur de Jean III (excluant du même coup Jean de Montfort).
- Guerre "des deux Jeanne" en Bretagne entre pro-français et pro-anglais (1341-1365).
En 1342 :
- Le 18 août 1342, des troupes anglaises commandées par le comte de Northampton (lieutenant d'Edouard III en France et en Bretagne), débarquent près de Brest. Les troupes anglaises, qui assiègent Morlaix, écrasent l'armée de Charles de Blois.
En 1343 :
- Grâce à l'intervention des légats du pape, une trêve est conclue pour trois ans à Malestroit, le 1er janvier 1343.
En 1345 :
- Charles de Blois envahit la Bretagne vers la fin février 1345.
- Ce dernier est battu par les Anglais dans la lande de Cadoret, le 17 juin 1345. Le comte de Derby, lieutenant d'Edouard III en Guyenne,
- débarque à Bayonne le 25 juillet 1345
- et se rend maître de Bergerac le 24 août 1345,
- puis bat les Français à Auberoche le 21 octobre 1345
- et prend Angoulême en décembre 1345.
En 1346 :
- Le 12 juillet 1346, Edouard III débarque à Saint-Vaast-La Hougue (dans le Contentin), à la tête de 10 000 hommes. Il est accompagné de Richard Talbot, Jean Chandos, Thomas de Beauchamp, Jean de Northampton, Thomas Holland, Guillaume de Bohon, Jean de Moyon, et de tous les meilleurs chevaliers de son royaume.
- Edouard III occupe Valognes (le 18 juillet 1346),
- s'empare de Carentan (le 20 juillet 1346),
- prend Saint-Lô (le 22 juillet 1346),
- Caen (le 26 juillet 1346),
- Bayeux (le 29 juillet 1346),
- Lisieux (le 31 juillet 1346).
- Il franchit la Seine à Poissy, le 16 août 1346.
- Il écrase l'armée française à Crécy le 26 août 1346 et met le siège devant Calais le 4 septembre 1346.
En 1347 :
- Le 20 juin 1347, Charles de Blois, duc de Bretagne, est battu par les Anglais à la Roche-Derrien et fait prisonnier.
- Le 27 juillet 1347, Philippe VI tente de venir au secours de Calais et établit son campement à proximité de la ville.
- Le 2 août 1347, les Français battent en retraite.
- Calais se rend le 4 août 1347.
- Le 28 septembre 1347, les deux rois concluent une trêve devant les portes de Calais.
En 1349 :
- Le 29 janvier 1349, Philippe VI se remarie avec sa cousine Blanche de Navarre (âgée de 17 ans).
- Philippe VI achète Montpellier et le Dauphiné.
En 1350 :
- Philippe VI meurt à l'abbaye de Coulombs à Nogent-le-Roi, près de Dreux.
- Jean le Bon est sacré à Reims le 26 septembre 1350, après avoir épousé Jeanne de Boulogne.
En 1351 :
- Combat des Trente .
En 1354 :
- Echec des négociations de paix en Guyenne.
En 1355 :
- Le Prince Noir (Edouard, Prince de Gales) débarque à Bordeaux, le 10 septembre 1355.
- Il envahit le Languedoc et le Poitou.
En 1356 :
- Le roi de France est fait prisonnier par le Prince Noir lors de la bataille de Poitiers, le 19 septembre 1356.
- Régence du futur Charles V le Sage.
En 1357 :
- Une trêve est négociée à Bordeaux.
En 1358 :
- Le 1er août 1358, Edouard III se met d'accord avec Charles II le Mauvais (roi de Navarre, depuis 1349) pour partager avec lui le royaume de France.
En 1359 :
- Un traité est conclu le 24 mars 1359 à Londres entre Jean le Bon et Edouard III.
- Suite au rejet de ce traité par le dauphin Charles, Edouard III passe en France en novembre 1359.
En 1360 :
- Le 1er avril 1360, Jean le Bon donne pleins pouvoirs à son fils Charles pour traiter avec Edouard III.
- Signature du traité de Brétigny le 8 mai 1360.
- Le roi d'Angleterre reçoit la Guyenne, le Poitou, le Limousin, le Rouergue.
- Le 8 juillet 1360, le Prince Noir conduit Jean le Bon à Calais.
- Le traité de Brétigny est ratifié par les deux rois et leurs fils aînés, le 24 octobre 1360. Edouard III renonce à la couronne de France en échange de la souveraineté en Aquitaine.
- Jean le Bon est mis en liberté, le 25 octobre 1360 en échange d'une rançon de trois milliers d'écus.
En 1362 :
- Le 19 juillet 1362, Edouard III constitue la principauté d'Aquitaine au profit de son fils aîné le Prince Noir.
En 1364 :
- Opérations militaires de Bertrand du Guesclin en Normandie.
- Bataille de Cocherel le 16 mai 1364 contre Charles le Mauvais et ses alliés anglais.
- Le 29 septembre 1364 a lieu la bataille d'Auray entre Charles de Blois (soutenu par Du Guesclin) et Jean de Montfort (Charles de Blois est tué et Du Guesclin est fait prisonnier).
En 1368 :
- Charles V le Sage reprend l'avantage sur les Anglais avec l'aide de Du Guesclin et des nombreuses régions du Sud-Ouest soulevées contre le Prince Noir (1368-1380).
En 1369 :
- Suite au refus de Charles V le Sage d'exécuter les articles du traité de Brétigny, Edouard III reprend alors le titre de roi de France et recommence la guerre, le 3 juin 1369.
- Du Guesclin remporte la victoire de Montiel, le 14 mars 1369.
En 1375 :
- Une trêve est conclue à Bruges, le 27 juin 1375.
En 1376 :
- Le 1er juillet 1376, la trêve conclue en 1375 (et venant à expiration) est prorogée jusqu'au 24 juin 1377.
En 1377 :
- Reprise de la guerre en mai 1377. Mort d'Edouard III, le 21 juin 1377.
De 1378 à 1383 :
- En 1380, le roi d'Angleterre ne conserve que Calais, Cherbourg, Brest, Bordeaux et Bayonne.
- Règne de Charles VI le Fou de 1380 à 1422.
- Le 4 avril 1381, par le traité de Guérande, Jean IV récupère son duché de Bretagne, sous réserve de rendre hommage au roi.
En 1384 :
- Une trêve de quinze mois est conclue, le 26 janvier 1384.
En 1385 :
- Echec d'un débarquement français en Angleterre.
En 1388 :
- Trêve de Leulinghem d'une durée d'un an (le 18 août 1388), prorogée jusqu'en 1395.
En 1392-1393 :
- Début de la folie de Charles VI le Fou, en 1392.
- Début de rivalité entre le régent Louis de France Duc d’Orléans et le duc de Bourgogne, en 1393.
- La guerre entre les Armagnacs et les Bourguignons commence.
En 1396 :
- Trêve de vingt-huit ans négociée et signée à Paris, le 9 mars 1396.
- Le 4 novembre 1396, mariage à Calais de Richard II d'Angleterre et d'Isabelle, fille de Charles VI.
En 1399 :
- Le 30 septembre 1399, Richard II d'Angleterre est détrôné et remplacé par Henri de Lancastre qui saisit le trône anglais et se proclame Henri IV d'Angleterre.
En 1404 :
- En janvier 1404, la France reprend les hostilités contre l'Angleterre.
- Succès en Guyenne et en Picardie.
En 1405 :
- En juin-août 1405, les Anglais débarquent dans le Contentin.
En 1407 :
- Assassinat le 23 novembre 1407 du duc d'Orléans (Louis) par les hommes du duc de Bourgogne, Jean sans Peur.
- Son fils Charles, marié à Isabelle de France, veuve de Richard II d'Angleterre lui succède.
En 1414 :
- Le 23 mai 1414, les Bourguignons s'allient aux Anglais contre les Armagnacs (traité de Leicester).
- En août 1414, Henri V d'Angleterre revendique la couronne de France et demande à Charles VI la main de sa fille Catherine.
En 1415 :
- Le 28 juillet 1415, Henry V, roi d'Angleterre, demande au roi de France de se conformer au traité de Brétigny.
- Henry V dénonce la trêve de 1396 et débarque en Normandie.
- Les Anglais débarquent en France en août 1415.
- La bataille d'Azincourt, le 25 octobre 1415, permet aux Anglais de se rendre maître de la Normandie.
En 1419 :
- Assassinat du duc de Bourgogne, Jean sans Peur, lors de l'entrevue du Pont de Montereau le 10 septembre 1419.
- Henry V conclut une alliance avec les Bourguignons, le 2 décembre 1419 (traité d'Arras).
En 1420 :
- Le 21 mai 1420, a lieu à Troyes la signature d'un traité entre Philippe le Bon (duc de Bourgogne) et Henri V qui livre la France aux Anglais. Ce traité scelle l'union de Catherine de France et de Henry V d'Angleterre tout en déshéritant le jeune dauphin Charles VII. En effet Charles VI le Fou reconnaît son gendre Henri V d'Angleterre comme son héritier.
- Célébration du mariage d'Henri V et de Catherine, le 2 juin 1420.
- Le 1er décembre 1420, Henri V fait une entrée triomphale dans Paris, en compagnie du duc de Bourgogne et de Charles VI. - Des états généraux réunis à Paris ratifient le traité de Troyes, le 6 décembre 1420.
En 1422 :
- Mort de Henri V, le 31 août 1422, au château de Vincennes.
- Son fils Henri VI lui succède. Mort de Charles VI.
- Par le traité de Troyes, Henri VI d'Angleterre devient roi de France (à l'âge de 10 mois).
- Jean de Bedford, frère de Henri V, assure la régence.
En 1428 :
- Les troupes anglaises mettent le siège devant le Mont-Saint-Michel et Orléans le 12 octobre 1428.
En 1429 :
- Jeanne d'Arc paraît à Chinon le 6 mars 1429.
- Sous l'influence de Jeanne d'Arc, Charles VII se fait sacrer à Reims et commence la reconquête de son royaume.
- Jeanne d'Arc entre à Orléans le 30 avril 1429.
- Les troupes anglaises lèvent le siège d'Orléans le 8 mai 1429. La bataille de Patay a lieu le 18 juin 1429.
En 1430 :
- Jeanne d'Arc entre à Compiègne le 13 mai 1430.
- Elle est faite prisonnière par les Bourguignons à Compiègne le 24 mai 1430, puis vendue aux Anglais et amenée à Rouen.
En 1431 :
- Jeanne d'Arc est jugée le 21 février 1431. Elle est brûlée à Rouen, le 30 mai 1431.
- Une trêve de six ans est conclue le 13 décembre 1431 entre Charles VII et le duc de Bourgogne.
- Henry VI d'Angleterre est sacré roi de France dans la cathédrale de Paris, le 17 décembre 1431.
En 1435 :
- Un traité de paix est conclu le 21 septembre 1435 à Arras entre le roi de France Charles VII et le duc de Bourgogne, Philippe le Bon.
En 1441 :
- En avril 1441, Philippe le Bon obtient la libération de Charles d'Orléans, retenu en otage en Angleterre depuis la bataille d'Azincourt.
En 1444 :
- Un traité de paix est signé le 28 mai 1444 à Tours entre Henry VI et Charles VII. Ce traité de paix donne en mariage à Henry VI Marguerite d'Anjou (fille du roi René, duc de Lorraine) et établit une trêve de deux ans.
En 1449 :
- Reprise des hostilités le 24 mars 1449.
- Les Anglais s'emparent de Fougères.
- Début juillet 1449, reconquête de la Normandie par les troupes françaises. Les Anglais regroupent leurs forces à Caen et à Rouen.
En 1450 :
- Victoire françaises à Formigny, le 15 avril 1450.
- Reprise de Caen, le 24 juin ou 1er juillet 1450, et de Cherbourg, le 12 août 1450.
En 1451 :
- Reconquête de la Guyenne.
- Le 21 août 1451, Dunois s'empare de Bayonne après avoir conquis Bordeaux le 30 juin 1451, ainsi qu'une grande partie de la Guyenne.
En 1452 :
- Le 22 octobre 1452, Talbot entre à Bordeaux mais ne parvient pas à reconquérir la Guyenne.
En 1453 :
- Bordeaux se rend aux Français, le 19 octobre 1453.
- Talbot meurt au combat. Ce qui entraîne le départ des Anglais toujours installés à Calais et marque la fin de la guerre de Cent Ans.
Sommaire 1337 à 1380 (début) (1/4)
1 - Les origines du conflit
1 - Le legs normand et angevin
2 - L’affirmation des monarchies nationales
3 - Les affaires de Flandre et de Guyenne
4 - Les origines dynastiques
5 - Un siècle de lutte entre Français et Anglais
2 -Pourquoi la guerre de cent ans ?
1 - Succession et territoires, une lutte franco-anglaise
2 - Premières victoires des Anglais
3 - Du Guesclin et les reconquêtes françaises
4 - La France en débâcle à Azincourt
5 - le sursaut français : Jeanne d’Arc
6 - La France s'unifie, l'Angleterre en crise
3 - L'origine de la Guerre
a) Philippe IV le Bel (1268 – 1314)
b) Les trois prétendants au trône de France
c) Élection de Philippe VI, roi de France
4 - Ascendance et descendance du roi Philippe VI de Valois et de Jeanne de Bourgogne
a) De part et d’autre, montée des revendications :
b) Conflit de succession au trône de France
c) Un siècle de lutte entre Français et Anglais
d) Les souverains protagonistes
e) La vraie cause de l'antagonisme
f) Un intrigant français à Londres
5 – La bataille de l’Ecluse
a) De désastre en désastre, la guerre commence mal
b) Le retournement d’alliance en Flandre (1345)
6 - La première phase de la succession de Bretagne
La guerre de succession de Bretagne
7 - La bataille de Crécy,
a) Les stratégies militaires d’Edouard III donnent l’avantage à l’Angleterre
b) Étude de la Bataille de Crécy (tactique etc.…)
c) Une tactique militaire nouvelle
d) Les troupes
e) Le grand arc : une arme redoutable
f) Une pluie de flèches
g) Un projectile meurtrier «lachronique de Jean Froissart sur la bataille de Crécy
h) Edouard III en position de force
8 – La bataille de Calais
a) Le siège de Calais (août 1346 à août 1347)
b) la capitulation des «bourgeois de Calais»
9 – La peste
a) la peste noire entre par Marseille le 1er novembre 1347
b) Une si longue absence…
c) La peste (du latin pestis, «fléau») ressurgit durant l’année 1347.
d) Impuissance de la médecine
e) Trouver des coupables : les juifs !!
f) Un ordre social bouleversé
g) La plus grande épidémie de l’histoire
h) la peste dans l’art
10 - L’administration du royaume par Philippe VI
a) Parmi les ordonnances non financières de Philippe VI
b) Mariage avec Bonne de Luxembourg
11 - La descendance de Jean II le Bon
a) Querelle domestique
b) L'exécution du comte de Guînes
c) L'ascendance royale de Charles le Mauvais
d) Et revoici Edouard III
12 - Seconde phase de la guerre de succession de Bretagne (1343 à 1354)
a) Assassinat de Charles de la Cerda
b) Arrestation de Charles de Navarre
13 – la bataille de Poitiers de 1356
a) Les chevauchées du Prince Noir (1355 à 1356)
b) Les chroniques de Sire Jean Froissart sur la bataille de Poitiers
14 - Le dauphin Charles contre Etienne Marcel
a) La grande ordonnance (1357)
b) Etienne Marcel et la libération de Charles le Mauvais
c) L’insurrection du 22 février 1358
d) Charles V contre Etienne Marcel et la Grande Jacquerie (été 1358)
Noblesse indigne
15 - Le Régent de France contre Edouard III
a) Le second traité de Londres
b) Nouvelle expédition d’Edouard III, la stratégie de la terre déserte (hiver 1359 – 1360)
c) Le traité de Brétigny (octobre 1360)
16 - Le retour de Jean II le Bon (1360 à 1364)
a) Habile redressement
b) Réformes monétaires
c) Les apanages
d) La France toujours à feu et à sang
e) Le retour de Jean II en Angleterre
17 - La guerre des deux Jeanne,
a) La guerre des deux Jeanne
b) L’échec des négociations
c) Comment s’est déroulée exactement la bataille
d) Comment expliquer la victoire des Anglo-Bretons ?
e) Un bilan très lourd
f) La bataille d’Auray
g) Une bataille décisive
h) Un combat de mémoires
18 – Ne jamais paraître à la tête de ses armées
a) «jamais paraître à la tête de ses armées»
b) Bertrand du Guesclin
c) Le connétable au service de son roi
d) les grandes compagnies
e) Les Anglais chassés du continent (1372 à 137
I - Les origines du conflit
Elle est parfois appelée la seconde guerre de Cent Ans pour la distinguer du conflit qui opposa les dynasties des Capétiens et des Plantagenêts sur une période de 100 ans (1159 à 1259), où «Anglais» et «Français» étaient déjà les principaux protagonistes.
La longue période de lutte entre la France et l'Angleterre, qui est connue sous le nom de guerre de Cent Ans, n’est pas exactement une guerre et a durée bien plus de cent ans (116 ans : de 1337 à 1453). En fait, elle s’est terminée exactement avec le traité de Picquigny signé le 29 août 1475 entre Louis XI et Édouard IV qui met définitivement fin à la guerre de Cent ans «endormie» en 1453 après la bataille de Castillon.
Au-delà des luttes féodales, et même si son prétexte est dynastique, la guerre de Cent Ans est en réalité l'expression du premier grand conflit de deux États souverains en Europe et l'un des plus célèbres conflits du Moyen Âge.
Elle oppose les rois de France de la dynastie des Valois aux rois d'Angleterre pour la possession du royaume de France.
Le conflit, vu du coté français, peut se diviser en deux périodes au cours desquelles le trône de France est sur le point de basculer sous la tutelle anglaise, avant d'observer une reconquête quasi-totale.
A chacune de ces périodes, une figure emblématique, un héros, incarne le sursaut français :
-
La première période du conflit voit l'Angleterre victorieuse à Crécy et à Poitiers où le roi de France est capturé.
Le sursaut français s'effectue grâce au connétable Bertrand du Guesclin et à son roi Charles V.
-
La seconde période du conflit voit naître une guerre civile : les Armagnacs contre les Bourguignons.
Cette lutte favorise l'Angleterre, victorieuse à Azincourt. Le trône est alors promis au roi d'Angleterre.
C'est Jeanne d’Arc qui déclenche le réveil des forces françaises et leur course vers la victoire.
Si la guerre de Cent Ans est considérée par les historiens français comme un seul et unique conflit, leurs homologues anglais n’ont pas le même point de vue. En effet, ces derniers ont coutume de diviser cet affrontement en quatre phases :
-
la «guerre edwardienne», période au cours de laquelle Edouard III prit un important avantage sur le roi de France (de 1337 à 1360)
-
la «guerre caroline», période au cours de laquelle le roi Charles V (et ses frères) grâce à sa stratégie de guérilla, parvint presque à chasser les Anglais du continent (de 1369 à 1389)
-
la «guerre lancastrienne», lorsque la nouvelle dynastie royale d’Henri V d’Angleterre et des Lancastre parvint à reprendre l’avantage (1415 à 1429)
-
puis la «victoire française» (de 1429 à 1453)
1.1. Le legs normand et angevin
En 1066, le duc Guillaume de Normandie (dit Guillaume le Conquérant) conquiert l'Angleterre et en devient roi, créant ainsi la dynastie anglo-normande.
Sa victoire pose un problème insoluble :
-
en tant que duc de Normandie, il reste le vassal du roi de France et,
-
en tant que roi, il est souverain en Angleterre.
Ainsi, si le souverain anglais est «de facto» aussi puissant que son homologue français, les liens de vassalité sont conservés depuis l'expédition de Guillaume le Conquérant et ainsi, le roi de France pouvait confisquer les territoires appartenant «de jure» à la couronne.
La puissance des rois anglo-normands s'accroît avec Henri II Plantagenêt (1154-1189), qui apporte l'Anjou, le Maine, la Touraine et par son épouse Aliénor l’Aquitaine.
Les possessions anglaises en France sont une véritable menace pour la dynastie capétienne.
Cependant, les victoires de Philippe II Auguste sur Jean sans Terre au début du XIII° siècle ne laissent aux rois anglais qu'une partie de l'Aquitaine, la Guyenne (déformation dialectale du mot «Aquitaine»).
Le 4 décembre 1259, dans un esprit de justice féodale, Louis IX (Saint Louis) ratifie cette possession par le traité de Paris, conclu le 28 mai 1258 et signé en présence de Louis IX et Henri III, roi d'Angleterre.
À la suite de cet accord, le roi d'Angleterre redevient vassal du roi de France pour son duché d'Aquitaine ; il renonce en outre aux provinces perdues par Jean sans Terre (Normandie, Maine, Anjou, Touraine, Poitou) mais Saint Louis lui restitue ses droits de suzeraineté sur plusieurs fiefs qui dépendent de lui.
A noter qu’un même homme peut, au Moyen Âge, se trouver vassal de plusieurs seigneurs mais ne doit qu’à un seul d’entre eux, qu’il reconnaît alors comme son principal seigneur, l’hommage «Lige» (celui du vassal). En devenant «l’homme lige» il doit lui rendre tous les services d’un vassal, quitte à négliger ses devoirs vis à vis des autres. Saint Louis a beaucoup usé de cette méthode pour faire entrer dans la mouvance capétienne les seigneurs de provinces voisines dépendant de princes étrangers, en particulier du roi d’Angleterre.
Quand le pouvoir royal a été reconnu dans tout le royaume, cet usage est tombé en désuétude.
Le lien de vassalité que Saint Louis a rétabli ainsi à son profit lui a permis de contrôler le Sud-Ouest par ses baillis et son parlement.
1.2. L’affirmation des monarchies nationales
Peu après le traité de Paris de 1259, les fondations administratives et politiques de l'État moderne se mettent en place autour de deux grandes institutions :
-
Le Parlement en Angleterre et en France, ainsi que la Chambre des Comptes en France
-
l'État est déclaré souverain aux dépens de l'autorité pontificale, un système fiscal national est mis au point.
1.3. Les affaires de Flandre, de Guyenne et d’Ecosse :
Des conflits éclatent en Guyenne et en Flandre :
- En Guyenne, Philippe IV le Bel (1285-1314) affaiblit Edouard Ier (1272-1307) en acceptant de recevoir les «appels» sur les décisions de justice rendues par le parlement de Paris.
Un «appel» est une voie tendant à la cassation ou à l'annulation d'une décision abusive d'une juridiction sortant du domaine de sa compétence.
« L'appel comme d'abus» est donc un procédé de droit employé par la royauté dans sa lutte pour assurer la suprématie du pouvoir juridictionnel, à l'encontre des juridictions ecclésiastiques, au même titre que la saisie du temporel et du système des cas privilégiés.
- En Flandre, où la fabrication des étoffes dépend des laines anglaises, les intérêts anglais et français se mêlent aux luttes sociales qui éclatent entre bourgeois et artisans.
Par ailleurs, les rois de France apportent leur soutien au roi d'Écosse Robert Bruce (1306-1329) pour chasser les Anglais qui occupent son territoire et restaurer l'indépendance écossaise.
La solution féodale préconisée par Saint Louis est source d'ambiguïtés et peut donner prétexte à un affrontement entre les deux États.
Ayant obtenu que les femmes soient écartées de la succession royale (loi salique de 1316 puis 1328), Philippe V, deuxième fils de Philippe le Bel, succède à son frère aîné Louis X, mort sans héritier mâle.
Il en est de même en 1322, lorsque Charles IV (dernier fils de Philippe le Bel) accède au trône.
Un petit cours (rapide) d’histoire du droit successoral n’est pas inutile.
En Espagne, il n’y a pas de débat : le roi est catholique, il a des fils ou des filles pour prendre la relève.
En France, c’est plus subtil. Les «lois fondamentales» (coutumières) du royaume ne permettent pas que la couronne soit portée par une femme…...
La mise au point de cette prétendue règle successorale n'a que partiellement à voir avec la prétention des monarques anglais à régner sur la France, et sa transformation en mythe national est très postérieure à la fin de la guerre de Cent ans (elle est surtout liée à la puissance de la «clergie» dans l'entourage royal à partir du XIIIe siècle, et à sa prétention à gérer les affaires de l'État selon son idéal : entre hommes et entre experts. Dans ce cadre, elle a beaucoup à voir avec le désir d'imposer des règles aux monarques, c'est-à-dire des limites à leur toute-puissance en attendant de leur imposer une Constitution, dont cette loi salique fut, en France, la première pierre).
Donc, les filles de France, ne peuvent même pas transmettre à leurs enfants de droit au trône.
Ainsi, en l’absence d’héritier mâle direct, la couronne passe au plus proche parent mâle par les hommes.
Le cas s’est produit :
- en 1316 : Louis X le Hutin meurt en laissant une fille, Jeanne de France, âgée de six ans orpheline de mère, et une veuve enceinte.
- en 1317 : Philippe, son frère, se désigne régent, puis se fait sacrer la même année sous le nom de Philippe V le long, après le décès du petit Jean Ier le Posthume à l'âge de six jours.
Philippe V brise les oppositions nées de cette prise de pouvoir et demande à l'Église de lui fournir une justification légitimant l'exhérédation de Jeanne de France. La Sorbonne n'en trouve qu'une (mais bien faible à formuler) : «Jeanne, bien que petite-fille directe de Philippe IV le Bel, Philippe V est son fils. Il est donc plus près d'un degré du dernier grand roi»……
- en1322 : Philippe V le Long meurt, laissant plusieurs filles. Son dernier frère, Charles devient Charles IV en usant de ce même stratagème et toujours sans justification.
- en 1328 : C’est ainsi qu’à la mort de Charles IV Le Bel, le sceptre royal est passé de la famille Capet à celle des Valois, ses cousins.
En déterrant la «loi salique» Philippe IV Le Bel ne pouvait pas penser que se terminerait ainsi sa lignée !
- En conséquence, pendant la Guerre de Cent ans, le roi fou Charles VI n’a pu ni déshériter son fils Charles VII au profit de sa fille Jeanne ni transmettre à Henri V d’Angleterre la couronne de France par le biais du mariage de Jeanne avec celui-ci.
La France affiche là sa particularité : le respect de la «loi» y est très fort même quand celle-ci en l’occurrence est une coutume. Sans doute faut-il y voir l’influence profonde des méthodes de fonctionnement de l’Empire Romain, reprises à leur compte par les Francs et qui seront définitivement ancrées dans les mentalités collectives par la Révolution Française : l’écrit est sacré !
Dans les îles britanniques, on n’est pas dogmatique : les femmes ont le droit de régner et leurs héritières ont autant de droit à la couronne que ceux des souverains mâles.
Par ailleurs, il ne faut pas oublier que l’expression «guerre de Cent Ans» est une création des historiens du XIX° siècle pour désigner le conflit qui a opposé de 1338 à 1453 les deux plus puissants royaumes d’Occident chrétien, le royaume de France des Valois et celui d’Angleterre des Plantagenêts et des Lancastres, pour la possession du royaume de France.
Ce conflit interminable est en réalité une succession de campagnes militaires coupées de longues trêves, dont les caractères et les objectifs varient dans le temps et bien que la guerre de Cent Ans a été déclarée en octobre 1337, les deux souverains ont mis plusieurs années à récolter l’argent nécessaire à soutenir le conflit.
Par ailleurs, il est essentiellement franco-anglais mais on ne peut le dissocier de nombre d’autres événements français ou étrangers :
- en Angleterre, l’élimination de Richard II puis, plus tard, la guerre des «Deux-Roses»,
- en Castille, la lutte d’Henri de Trastamare contre Pierre le Cruel,
- révoltes flamandes,
- essor de l’État bourguignon,
- luttes franco-aragonaises en Sicile,
- difficultés de la papauté en Avignon,
- etc.
L’unité et la continuité de l’affrontement n’ont pourtant pas échappé aux contemporains.
1.5. Un siècle de lutte entre Français et Anglais
Cinq rois de France et autant de souverains anglais se sont trouvés successivement engagés dans ce duel.
Plus de quatre générations entières ont vécu dans un perpétuel climat de troubles et de combats.
La guerre de Cent Ans s’est décomposée en des séries de bataille, séparées par des périodes de paix relative, ou de trêves.
Et quand ont cessé les combats ou les pillages, c’est la famine ou la peste qui a achevé de ruiner les villes et les campagnes.
Si l'Angleterre n’a pas été épargnée par cette guerre, la France (sur le sol de laquelle se sont déroulées les batailles) a été plus atteinte que sa rivale. Elle a fini cependant par avoir le dessus.
Mais les deux belligérants sont sortis profondément changés de ce conflit séculaire.
Les protagonistes
Arnaud de Cervolle - l’Archiprêtre
Charles VI le Bien-Aimé ou le Fol
Charles VII, le Victorieux, le Biens-Servi
Edouard, lePrince Noir
Jean Ier de Luxembourg, l’aveugle
Jean III de Grailly (le Captal de Buch)
II- pourquoi la guerre de cent ans ?
Les trêves n’ont pas été seulement des traités de paix, mais aussi des arrêts pour essoufflement, pour épidémie de peste, des répits entre prétendants à la couronne de France lors des enfances de certains rois : Henri VI d’Angleterre est devenu par exemple roi à l’âge de neuf mois en 1422 !
Certaines périodes sans bataille militaire ne sont pas sans souffrance sur le terrain : province soumise à l’occupation d’une armée sans loi lorsqu’elle est annexée, aux pillages lorsqu’elle est convoitée.
Les «chevauchées brutales» qui ont consisté à piller le pays sur de grandes distances (sur des kilomètres en largeur comme en longueur) grâce à une armée montée du fils d’Edouard III d’Angleterre sont un exemple, provoquant rapines et atrocités dans les campagnes françaises en 1355. Des famines sont provoquées par les dévastations de l’agriculture, liées à la stratégie de la terre déserte devant l’occupant dans les campagnes, à la terreur installée par les «grandes compagnies» (ces mercenaires qui se regroupent sur les routes après défaites ou démobilisations, et pillent et violent, etc)
Parmi les fléaux qui traversent la guerre de Cent Ans, la grande peste noire a été, entre 1349 et 1355, plus ravageuse que la guerre elle-même. Pénétrant sur le continent par Marseille, l’épidémie remonte vers le Nord mais aussi s’élargit et atteint vite Bordeaux, ce qui la fait rapidement infecter l’Angleterre.
Il est faux de penser la peste totalement indépendante du conflit car elle en reprend sinistrement les voies d’échange, pacifiques ou guerrières, tracées entre populations.
En cette période, considérée par force comme une trêve, la démographie connaîtra un recul saisissant.
Succession et territoires, une lutte franco-anglaise
En 1328, le troisième et dernier fils de Philippe le Bel, capétien, meurt sans descendant mâle.
Isabelle de France, sa dernière fille, qui a épousé le roi d’Angleterre Edouard II, a un fils qui vient d’être couronné roi d’Angleterre sous le nom d’Edouard III.
Ce dernier se porte prétendant au trône de France ; mais les pairs français désignent Philippe de Valois (Philippe VI), qui monte sur le trône et fonde la dynastie des Capétiens-Valois.
Si Édouard III d’Angleterre prête alors hommage à Philippe et le reconnaît pour roi, il refuse, à la cérémonie d’hommage de 1329, de joindre les mains devant lui : il ne prête qu’un «hommage simple», reconnaissant Philippe comme son seigneur mais non son «suzerain suprême».
La question dynastique va peser lourdement dans la montée de tension entre Philippe de Valois et Edouard III
A cette question s’ajoutent des conflits territoriaux :
La Guyenne est un des territoires qu’Edouard possède en France, et pour lequel il doit allégeance au roi Français. Philippe VI lui confisque ce duché, au prétexte qu’Edouard y a rompu son contrat de vassalité. Ce à quoi, en octobre 1337, l’Anglais répond par ce qui est considéré comme la déclaration de ce qui est appelée la guerre de Cent Ans : «Nous conquerrons par notre puissance notre héritage de France et, de ce jour, nous vous défions et vous tenons pour adversaire».
La Flandre fait partie du royaume de France et fait frontière entre celui-ci et le Saint-Empire. Ses drapiers achètent de la laine anglaise, et l’embargo anglais sur la laine, destiné à faire pression sur les Flamands, est toujours en vigueur, causant le chômage. Le chantage anglais porte ses fruits : des marchands réclament le rapprochement avec l’Angleterre.
Premières victoires des Anglais
Entre la Flandre et l’Angleterre, le commerce de la laine a repris ; les Français envoient une flotte franco-génoise à L’Ecluse, embouchure reliant Bruges à la mer du Nord, pour imposer un blocus naval.
Celui-ci est brisé par les Anglais le 24 juin 1340 et la flotte française subit une sévère défaite dans cette brève bataille. Les Anglais sont ainsi libres de tout mouvement entre leur île et le continent.
Ils en profitent pour débarquer à Brest en 1343, et mènent des chevauchées destructrices à travers le nord-ouest. Les terres sont pillées, le bétail tué, fours et moulins brisés.
En 1346, lors d’une chevauchée d’Edouard III en Normandie, Philippe VI tente de l’intercepter et les forces se retrouvent face à face au mont de Crécy. La bataille est encore une dure défaite pour les Français, et Philippe, par manque d’autorité sur les seigneurs de son armée, est un piètre chef militaire. Edouard III poursuit vers le Nord et met le siège devant Calais. Avec un reste d’armée, Philippe VI ne peut pas lever le blocus de la ville, sur laquelle Edouard III obtient la pleine souveraineté en accordant une trêve (1347).
La peste noire de 1349 oblige les protagonistes à arrêter les hostilités. Le règne de Philippe VI se termine dans l’effondrement du prestige des Valois, et la Grande Peste est vécue en France comme une punition divine. Son successeur, Jean Le Bon, est confronté aux prétentions de Charles II, dit Charles le Mauvais, roi de Navarre (royaume à cheval sur les Pyrénées, détaché de la France en 1328) : le discrédit des Valois encourage ce dernier à contester leur légitimité et à réclamer le trône de France.
En 1355, un fils d’Edouard III, surnommé le Prince Noir, parti de Bordeaux, pille la campagne française avec ses troupes, puis il entame une nouvelle chevauchée en 1356. Jean II le Bon le poursuit avec une armée deux fois plus nombreuse, et le rattrape aux environs de Poitiers. Mais la bataille se termine aux dépens des Français, et Jean le Bon est fait prisonnier.
Jean le Bon est retenu à Londres. Les Anglais imposent un échange avec rançon et cessions de territoires, Edouard III renonce cependant, par souci de paix durable, à la couronne de France.
C’est le traité de Brétigny (1360) : le roi de France est libre moyennant trois millions d'écus d'or.
L'Anglais obtient la pleine souveraineté sur la Guyenne, la Gascogne, et Calais ainsi que le Poitou, le Périgord, le Limousin, l'Angoumois et la Saintonge, renonce à la suzeraineté sur les Flandres et sur la Bretagne qu’il laisse gouverner par un allié : Jean IV, duc de Bretagne.
Les Anglais sont maîtres d’un tiers du royaume de France.
Du Guesclin et les reconquêtes françaises
Au moment de la succession de son père Jean le Bon (1364), Charles V voit réapparaître la contestation dynastique de Charles le Mauvais, roi de Navarre, qui veut empêcher son sacre à Reims.
Bertrand Du Guesclin le bat à Cocherel (1364). Charles V donne pour mission à Du Guesclin d’entraîner au profit du royaume les «Grandes compagnies», ces unions de mercenaires, de soldats perdus, qui font régner la terreur dans les provinces.
Charles V fait traîner le transfert des territoires cédés aux Anglais, puis remet la question de la Guyenne sur le tapis à l’appel du Comte d’Armagnac, dont les sujets d’Aquitaine sont accablés d’impôts par l’Angleterre : Charles V prononce la confiscation de l’Aquitaine en novembre 1368.
Et La guerre reprend.
Charles V réorganise l'armée, reprise par des chefs compétents comme Du Guesclin, qui la divisent en petits groupes bien structurés.
Une alliance avec le Royaume de Castille conduit à l’anéantissement de la flotte anglaise par la flotte Castillane à la bataille de La Rochelle, en juin 1372.
Les places fortes cédées par le traité de Brétigny tombent ensuite les unes après les autres : Poitiers en 1372, Bergerac en 1377.
Les Anglais continuent leurs chevauchées ; Charles V ordonne aux campagnards la pratique de la terre déserte : se réfugier dans les villes avec toutes leurs réserves alimentaires et animales.
Ainsi plus les Anglais avancent, plus leur ravitaillement devient ardu ; harcelés de plus par la nouvelle tactique d’embuscades des Français, de nombreux chefs anglais sont contraints au repli.
A l’issu de ce redressement français, les Anglais perdent une grande partie de leurs possessions d’Aquitaine.
La Bretagne reste leur allié Jean IV gouvernant le duché.
Du Guesclin (fait Connétable de France par Charles V en 1370 c’est-à-dire chef des armées) est un noble breton au service de la France depuis 1361. Le «Dogue noir de Brocéliande», comme on le surnomme, ne procède pas par batailles rangées classiques, mais s’attache à reconquérir «château après château».
Se contentant de peu de moyens, il harcèle sans trêve les Anglais, tirant le maximum d’effectifs modestes mais très préparés.
Son type de guerre (on le qualifierait aujourd’hui de guérilla) est très adapté à la situation : reprendre des châteaux dispersés, qui commandent routes et carrefours.
Son petit groupe, mobile, au noyau d'élite soudé, fonctionne comme un «commando» avant l’heure, frappant à l'improviste de manière éclair, aussitôt insaisissable pour des forces armées classiques.
Du Guesclin sera l’un des piliers du redressement militaire, de la constitution d’une armée de métier et de tactique, indépendante des disputes des Seigneurs qui commandent leurs propres armées.
Charles V, par sa stratégie militaire et politique, et ses procédés de gouvernance «sages et économes», laisse un pays en voie de réunification, une armée directement sous contrôle royal, un pouvoir royal autonome par rapport à la noblesse notamment au plan financier par le biais d’impôts rationalisés.
A sa mort en 1380, le royaume de France est doté des bases d’un Etat moderne.
La France en débâcle à Azincourt
La mort de Charles V fait place à une mainmise de ses frères sur le pouvoir, son fils Charles VI n'ayant que 12 ans.
Louis d’Anjou et Philippe de Bourgogne, ses oncles, sont en rivalité.
Charles VI reprend en main le royaume à 20 ans en 1388 et devient vite populaire, mais des crises de folie intermittentes commencent à l’affecter et le pouvoir réel retourne aux mains des clans qui se déchirent à la cour.
Cette rivalité entre ducs de Bourgogne et d’Orléans dégénère en guerre civile, qui oppose deux clans : Bourguignons (partisans du duc de Bourgogne) et Armagnacs (futurs partisans du dauphin).
Le roi d’Angleterre Henri V, habité d’une foi belliqueuse et convaincu d’agir au nom de Dieu, joue du désordre français pour reprendre du terrain sur le continent. Il reprend la guerre en débarquant en Normandie en 1415, prend Harfleur, à l’embouchure de la Seine, puis se dirige vers Calais avec environ 6 000 hommes. L’armée française le rejoint en Artois pour lui barrer la route, avec un rassemblement de 20 000 hommes pour l’emporter.
Le champ de bataille : une prairie à découvert entre deux bois près du village d’Azincourt, ne permet pas d’exploiter l’avantage numérique des Français, encombrés par une cavalerie pléthorique. Les montures cuirassées des cavaliers, alourdies par le sol boueux, essuient les flèches anglaises. Les premiers rangs s’effondrent, mélange d’hommes et de chevaux dans laquelle vient s’empêtrer le rang suivant.
Les arcs transpercent la mêlée des cavaliers, achevés au sol à la hache, par centaines.
Mise en déroute par un nombre moindre de fantassins anglais, la chevalerie atteint ici la fin de son ère, marquée par la nouvelle suprématie des armes distantes.
Le 25 octobre 1415, la défaite est mémorable.
Henri V d’Angleterre revient deux ans plus tard conquérir totalement la Normandie : toutes les forteresses, villes ou châteaux, tombent.
Rouen est assiégée et réduite à la famine, cédant à Henri V en janvier 1419.
Les Bourguignons prennent Paris en 1418. Philippe III, le nouveau duc de Bourgogne allié des Anglais, fait signer le traité de Troyes en 1420, au nom de la France, par un Charles VI admis pour fou définitivement.
Son dauphin est déclaré déshérité.
La fille de Charles VI (Catherine de Valois) épouse Henri V d’Angleterre qui est alors désigné pour devenir l’héritier du trône de France à la mort de Charles.
Troyes scelle une écrasante suprématie anglaise. Le pays est un damier sous influences :
-
le Nord est aux Anglais et aux Bourguignons, alliés de l’Angleterre,
-
le sud de la Loire (sauf la Guyenne) reste fidèle au dauphin
Le sursaut français, Jeanne d'Arc
Charles VI en France, Henri V en Angleterre, disparaissent tous deux en 1422.
Le conflit s'interrompt du fait de la minorité d'Henri VI, que le traité de Troyes destine à la couronne de France.
Au sud de la Loire, ce qu’il reste du royaume de France et des Valois (à travers le Dauphin, futur Charles VII) est le refuge du parti des Armagnacs.
Prenant prétexte de l’incapacité mentale de son père, le dauphin Charles refuse les clauses de succession du traité de Troyes et s’installe à Bourges.
Des batailles marquent cette période, sans changer l’équilibre des forces. La guerre reprend de l’intensité en 1429, les Anglais mettent le siège devant Orléans, qui fait en quelque sorte frontière : ils veulent passer la Loire et descendre attaquer le dauphin, futur Charles VII, à Bourges.
Ce dernier, affaibli, se réfugie à Chinon
C’est ici qu’intervient Jeanne d’Arc, figure emblématique de l’histoire de France (par ailleurs reconnue plus tard sainte de l’Eglise catholique).
A Chinon, cette jeune fille de seize ans, née à Domrémy en Lorraine, vient demander audience à Charles et lui déclare, «au nom de Dieu», qu’il est bien le «vray héritier du trône de France».
Elle dit avoir des visions qui lui demandent de sauver Orléans, de le faire couronner roi de France.
Charles VII la fait sonder par des prélats, qui confirment sa sincérité. Il accepte de la joindre, avec un convoi de ravitaillement, à l’armée qui part secourir Orléans, dont l’un des capitaines est Gilles de Rais.
Dans un message adressé aux assiégeants, elle déclare «Je suis ci venue de par Dieu le roi du Ciel, corps pour corps, pour vous bouter hors de toute France».
Le siège d’Orléans est effectivement brisé en mai 1429 et les divers belligérants témoignent de la présence de cette jeune fille, dont l’exaltation galvanise les troupes.
Après cette victoire, Jeanne engage le roi au couronnement symbolique, à Reims, haut-lieu des sacres des rois de France.
La difficile route vers Reims à travers un nord hostile est facilitée par la victoire des Français à Patay, en juin, et par le redressement du front de la vallée de la Loire, où des ponts sont repris aux Anglais.
Charles VII est sacré roi de France à Reims en juillet.
Après le sacre, pour asseoir sa légitimité, Charles VII laisse tomber Jeanne.
Elle sera capturée à Compiègne, en 1430, et jugée par l’évêque Pierre Cauchon, ecclésiastique missionné par les Anglais pour saper toute crédibilité «divine» de son rôle.
Le dossier de l’accusation suit la veine de la sorcellerie, de l’hérésie : il la conduira au bûcher, en mai 1431, à Rouen.
La France s'unifie, l'Angleterre en crise
L'essentiel est acquis, la victoire a changé de camp.
Vainqueur à Orléans, sacré à Reims, le roi de France Charles VII a regagné sa légitimité.
De 1431 à 1453, date de la dernière grande bataille de la guerre de Cent Ans à Castillon, le retournement de situation se consolide. La reprise d’un certain nombre de places par Charles VII au nord de Paris et le climat insurrectionnel en réaction à l’occupation anglaise du bassin de Seine conduisent des acteurs du conflit comme le duc de Bourgogne à réorienter leurs alliances.
Sous la pression des Parisiens et des villes flamandes, qui souhaitent la paix pour la reprise de l’économie, le duc de Bourgogne se rapproche des Français : c’est le traité d’Arras, qui met fin à la querelle entre les Armagnacs et les Bourguignons en 1435.
Il scelle l’indépendance du duché de Bourgogne, mais permet par ailleurs à l’opposition à l’Angleterre de se souder et de mettre le feu à des rebellions anti-anglaises en Normandie.
Cela crée pour Charles VII l’occasion d’un sursaut militaire contre la présence anglaise.
Il porte le coup final en Guyenne, que la bataille de Castillon fait revenir à la France en 1453.
Seule Calais demeure anglaise.
À partir de 1461, Louis XI, qui a succédé à son père Charles VII, permet au royaume de France, par des moyens mélangeant violence guerrière et diplomatie, de se ressouder : des terres du duché de Bourgogne et du duché de Bretagne reviennent dans le domaine royal.
Il signe avec le roi anglais Edouard IV, en 1475, le traité de Picquigny, ce qui scelle la fin de cette guerre de Cent Ans.
De ce fait, les Anglais n’ont plus de prétention de règne sur le continent.
L’Angleterre, dès 1453, date de leur défaite à Castillon, opère une sorte de repli isolationniste, la guerre de succession pour la couronne de France se mue en un conflit dynastique insulaire entre les familles de Lancastre et de York, qui débouche sur la guerre dite des «Deux-Roses».
Du côté français, les Valois sortent de la guerre de Cent Ans avec un appareil d’État plus rationnel, fait d’une administration plus soudée autour du roi, de rudiments d’une armée de métier, de rentrées d’impôts régulières.
La noblesse traditionnelle en sort affaiblie.
La féodalité fait le bilan de son impuissance sur un des terrains qui est celui de ses premiers ressorts : l’instance militaire.
Les secousses de la guerre de Cent ans auront atteint l’Espagne, les Pays-Bas, les portes du Saint-Empire germanique.
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