poussières d'étoiles

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14 juillet 1919 : «N'illuminez pas, nous avons trop de morts»

14 juillet 1919 :

«N'illuminez pas, nous avons trop de morts»

 

La Première Guerre mondiale est le conflit majeur qui eut lieu surtout en Europe de l'ouest et en Europe orientale et balkanique.

 

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Le défilé du 14 juillet 1919 est la première célébration de la mémoire des morts et des disparus. Sur la droite, à l'entrée des Champs-Élysées se dresse un cénotaphe géant: chaque face présente une victoire, il est entouré de canons pris à l'ennemi. Rue des Archives/Rue des Archives/Tallandier

 

Mais il y a 100 ans, jour pour jour, le défilé du 14 Juillet entendait honorer la victoire du 11 novembre 1918 et le presque million et demi de soldats morts pour la France. Ce défilé était voulu ainsi par Georges Clemenceau.

Donc, ce 14 juillet 1919 n'est pas célébré comme une fête de la République, mais comme le sacre de la Victoire...

La mise en scène est à la hauteur de l’événement : grandiose.

Sur les Champs-Elysées défilent les mutilés, les maréchaux Joffre et Foch, toutes les armées alliées, et enfin les troupes françaises qui ferment la parade militaire.

Sous l’Arc de Triomphe (la tombe du soldat inconnu n’est pas encore installée), une grande scène est flanquée de quatre Victoires taillées dans les entoilages d’avions de guerre. L’arme renversée, des fantassins, des aviateurs, des cavaliers, des artilleurs et des marins veillent en silence sous l’inscription « Aux morts pour la Patrie ».

 

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Ce 14 juillet 1919, dès 3 heures du matin, des dizaines de milliers de Parisiens commencent à se masser sur les Champs-Élysées pour être aux premières loges et ne rien rater de ce spectacle historique.

 

À 8 heures, le chef de l’État, Raymond Poincaré (1860-1934), et le chef du gouvernement, Georges Clemenceau, arrivent sur place. Mais les tribunes officielles restent un peu clairsemées. Une grande partie de la gauche est absente. Elle refuse de participer à « la célébration d’un conflit dont les travailleurs ont été les principales victimes ». Même les catholiques, fraîchement ralliés à la République, critiquent l’événement.

 

Le défilé peut commencer avec les délégations des armées étrangères : Américains, Belges, Anglais, Canadiens, Japonais, Portugais, Serbes, Roumains, etc. Seule la délégation bolchevique est absente. La révolution bat son plein et Clemenceau n’aime pas les communistes.

 

Il revient enfin aux troupes françaises de clore ce défilé. « Un grand silence, un grand recueillement, l’attente de quelque chose d’infiniment grand et d’infiniment beau et que voici : l’armée française. » Ils sont tous là, les soldats de l’infanterie, de l’artillerie, de la Légion étrangère, des troupes coloniales, des tirailleurs (algériens, marocains, sénégalais…). La parade militaire se termine avec le défilé des chars d’assaut, symbole de cette guerre devenue industrielle et totale.

 

Vidéo d’archives : https://www.youtube.com/watch?v=nPxivTAB1uE

 

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Voici reproduit l’article paru dans Le Figaro du 15 juillet 1919.

La Victoire est entrée le 14 juillet 1919 dans Paris. On l'attendait. On pensait la connaître. On l'ignorait pourtant de même qu'en voyant planer un aigle, on ignore la largeur de ses ailes.

Nous savions que depuis bien des jours elle était parmi nous ; nous savions qu'elle était la plus belle et la plus noble que les hommes eussent jamais remportée sur les hommes - et que, grâce à elle, la vie du monde allait pouvoir continuer dans la robuste allégresse d'un monde et d'un labeur nouveaux.

Mais elle était pour ainsi dire éparse, diffuse, abstraite. Nous ne l'avions pas vue. Nous l'avons vue le 14 juillet 1919 au matin. C'était Elle! Et nous avons assisté à cette splendeur : le sacre de la Victoire.

Pour une telle magnificence, il ne pouvait y avoir qu'une voûte: le ciel ; qu'une cathédrale : Paris ; qu'une religion : la France.

 

Il semblait à certains que le défilé des vainqueurs ne devait être en somme qu'une émouvante et pieuse formalité. Quelle erreur ! En un instant, dans la pure et fraîche lumière de cette incomparable matinée où le soleil lui aussi avait remporté sa victoire, nous avons tous senti qu'entre l'instant où nos bataillons avaient disparu sous le monument de pierre et celui où ils apparurent au sommet des Champs-Elysées, une destinée s'était accomplie.

 

Nous avons tous senti que brusquement toutes choses venaient de rentrer dans l'ordre, et de reprendre leur place et leur rythme, que les plus grands mots de notre langue, ceux dont la beauté a résisté à tout, même aux hommes politiques : patrie, honneur, liberté, justice, sacrifice, s'étaient regonflés de leur sens le plus noble et le plus exact, que notre histoire accélérait sa marche sur la voie triomphale où elle avait longtemps marqué le pas, et que les monuments eux-mêmes retrouvaient, comme par miracle, leur véritable destination.

 

Le défilé de nos héroïsmes

Nous avons tous senti qu'en cette heure si grande, qu'on doit renoncer à en sentir toute la beauté, Hier se nouait à Demain par le fil bleu des soldats, sur lesquels l'Arc de Triomphe, à mesure qu'ils passaient, posait le sceau de la Gloire.

L'Arc de Triomphe! Nous étions habitués à prononcer ce mot sans réfléchir à ce qu'il signifiait et à la pensée qui l'avait élevé dans les rayons du soleil d'Austerlitz. Nous ne songions plus qu'il n'avait d'autre but que de livrer passage à nos troupes victorieuses. Il nous est réapparu le 14 juillet 1919, égal à son Destin.

 

D'abord viennent les mutilés,

D'abord viennent les mutilés, marchant et trébuchant dans leur gloire, et dont les bras et les jambes sont restés là-bas, un peu partout, en Alsace, en Champagne, en Lorraine, dans les Flandres. Ils n'ont pas d'uniformes. Leur uniforme, c'est de ne pas être complets. Et il y a parmi eux des femmes. Et il y a parmi eux un enfant. Et c'est à la fois le défilé de nos héroïsmes - et de leurs crimes.

 

Les maréchaux ont voulu ne venir qu'ensuite.

Les voici : Joffre et Foch fiers simples et modestes, rayonnants aussi, non point de leur victoire, mais de celle de leurs hommes. Ils semblent réunir à eux deux toutes les vertus de la race l'énergie, le clair bon sens, l'initiative, la volonté de tout sacrifier de leurs soldats à la patrie - et d'eux-mêmes à leurs soldats. Ils marchent côte à côte, le père et le grand-père. Il y a là celui qui a dit, bien qu'attaqué de toutes parts et débordé sur son flanc : «Situation excellente. J'attaque.» Il y a là celui qui a dit au lendemain de la victoire qui sauva Paris: «N'illuminez pas, nous avons trop de morts». Il y a là les deux hommes qui ont sauvé la France.

 

Et voici Pétain, à l'œil bleu, au sourcil blanc, à l'irrésistible vouloir, qui organise, dirige, prévoit, ose, répare, obtient.

Voici Castelnau, le sauveur de Nancy et de notre aile droite, Castelnau qui, sans un murmure, a vu mourir ses trois fils et a tout fait pour les rejoindre là où il est sûr de les retrouver un jour. Il devrait être notre quatrième maréchal. Mais que lui importe! Ses étoiles sont ailleurs. Voici Mangin qui exige la victoire lorsqu'on ne la lui accorde pas. Voici Gouraud qui n'a plus qu'un bras et qui l'aurait donné si volontiers, son cœur suffisant à tout. Et voici Dégoutte, Humbert, Debeney, Berthelot, Hély d'Oissel, Gérard, Fayolle, Maistre, et les autres et tous les autres qui, chacun à sa place, à l'heure utile, au poste indiqué, a arraché à l'ennemi un morceau de la victoire.

 

Les pays alliés défilent par ordre alphabétique

Voici les armées alliées. Les Américains éclatant de force alerte, de robuste jeunesse, et dont l'alignement, les uniformes et les armes sont aussi bien tenus que la comptabilité. À leur tête, très droit, très froid, marche le général Pershing, qui le jour même de son arrivée en France était allé tout droit au tombeau du libérateur, et la main à la visière de sa casquette, avait dit simplement: «La Fayette, nous voici!» Cela aussi c'est de la comptabilité en bon ordre. 


Les Belges sont plus lourds, moins bien alignés, mais, ils respirent la forte quiétude d'avoir accompli un redoutable devoir et d'avoir fait de leur pays, qui était le pays du bien vivre, le pays du bien mourir. Ce sont ensuite les détachements anglais, sir Douglas Haig en tête, cette infanterie si souple, si élégante, si musclée qu'un cavalier ne saurait n'en pas être jaloux.

Fifres allègres, cornemuses champêtres, Indiens hiératiques, Ecossais aux jambes nues, les sections succèdent aux sections, à l'ombre d'un peuple de drapeaux, si nombreux que l'on n'aperçoit plus les mains qui les tiennent. Tout cela éclate en couleur, en musique, en jeunesse, en force, en santé, et affirme la vigueur d'une nation simple, cordiale et puissante.

 

Les Italiens passent. Ces régiments-là ont laissé en Champagne la moitié de leurs effectifs. Saluons-les très bas.

Les Italiens passent. Ces régiments-là ont laissé en Champagne la moitié de leurs effectifs. Saluons-les très bas. Ils ont payé de leur sang une fraternité latine que ni eux ni nous ne pouvons ni ne devons oublier. Ils défilent l'arme à la main, le fusil horizontal, prêts à l'attaque, comme si Fiume était dans les Champs-Elysées.

Voici les Japonais qui ressemblent à une petite troupe d'ingénieurs intelligents, attentifs et malicieux et qui représentent le péril jaune sous sa forme la plus sympathique.

 

Voici les Portugais gris de fer, les Roumains où je reconnais, si pareils aux nôtres, les admirables soldats de l'Oituz et de Marashesti ; les Serbes, qui évoquent leur épopée, et le pays où le plus vieux recrutement, dit «de défense suprême», se compose des hommes au-dessus de soixante ans et des enfants au-dessous de seize ans! Voici les Polonais, que tout un passé de douleur ne semble pas avoir trop attristés- et qui portent le bleu comme s'il avait toujours été leur horizon. Et voici les vaillants Tchéco-Slovaques, qui me font songer à mon cher et admirable Stéfanick, et les Siamois, qui me font songer à une féerie du Châtelet, et que nous y reverrons peut-être un jour.

 

Je ne puis m'empêcher d'éprouver et d'exprimer un regret celui de n'avoir pas aperçu parmi les troupes alliées une section de soldats russes blessés. Ils n'auraient certes pas représenté parmi nous l'armée de Lénine et de Trotsky, mais les deux millions d'hommes qui sont tombés sur le front oriental dans les deux premières années de la grande guerre. C'eût été un hommage et une justice à leur rendre.

 

Le défilé des armées alliées s'achève. Tous ces uniformes - de tous pays - certains jours ont été teints d'une même couleur : celle du sang. Par là, ils nous sont tous sacrés. Dans quelques instants, ils passeront place de la Concorde.

 

Puis un grand espace vide, un grand silence, un

Puis un grand espace vide, un grand silence, un grand recueillement, l'attente de quelque défilé des poilus.jpgchose d'infiniment grand et d'infiniment beau et que voici : l'armée française.

 

Alors un immense enthousiasme a soulevé tous les cœurs, le grand cri de la reconnaissance unanime s'est élevé vers ces hommes. Les poilus défilaient !

J'ai entendu une jeune femme de nationalité argentine s'écrier : «Enfin, voilà nos poilus!» Je ne vois pas de plus grand et de plus simple hommage - et plus justement décerné. Ce sont les poilus du monde. Ils ont sauvé le monde.

Ils sourient. Ils ne se doutent point de ce qu'ils sont et de ce qu'ils seront. Ils ont accompli une épopée et ils ont des figures de chanson. Ils reviennent pareils, à eux-mêmes, avec la même volonté de faire tout ce qu'il faut quand il faut.

 

Tels ils étaient lors du grand départ, tels ils sont lors du grand retour. Ils disaient : «On les aura». Ils disent : «On les a eus». Cela leur suffit. Ils sont simples dans leurs paroles ; leurs actions seules ont été lyriques. Ils préfèrent cela. C'est leur manière. Ah ! ceux-là ne demandent rien, n'exigent rien. Ils n'ont pas- réclamé le courage de huit heures, et sans protester contre la vie chère chaque jour depuis cinq ans ils ont affronté la mort à bon marché. Nous avons salué tout ce qu'ils nous rapportaient: la Victoire, la Paix, la confiance, l'équilibre, le goût du bon sens, de la bonne humeur, de la bonne entente, du bon espoir. Mais ils ne nous ont pas rapporté que cela : ils nous ont aussi rapporté nos morts. Entre chaque section, dans les espaces vides, il semblait qu'ils leur eussent réservé leur place. Oui, ils nous diront le dernier mot, le dernier geste, le dernier espoir de ceux qui ne sont plus. Combien de douleurs ils apaiseront ainsi ! Combien de larmes ils sécheront en donnant à ceux qui pleurent la certitude qu'il n'y a pas eu de deuils inutiles, et qu'à chacun des sacrifices correspondent un lambeau de victoire.

par Robert de Flers

 

mon propre commentaire :

Ce sont les armées US en 1917 et les armées Britanniques et du Commonwealth et nos soldats de nos colonies (enrôlés souvent de force) qui ont gagné la guerre de 14-18 en sauvant la France du désastre !

Quand je vois ces défilés, ces anniversaires de guerre, je pense à tous ces Français qui avaient un idéal, la Patrie, et beaucoup ont payé de leurs vies, tous ces valeureux hommes morts dans le courage, la dignité et le silence, pour strictement rien sinon les promotions de quelques chefs, ministres etc et l'émergence, 100 ans plus tard, d'un pays d'où toute idée de grandeur et de Nation a totalement disparu ?

 

Mais notre pays n’avait pas conscience ce jour là que c'était non pas une victoire, mais de destruction dont il s'agissait ?

Celui de la France 20 ans plus tard par une autre guerre, puis en 1981.

Nation piétinée, abaissée, humiliée, affaiblie, divisée, endettée par des décennies - et plus particulièrement les 4 dernières - de renoncement et de choix systématique des plus mauvais gouvernants possibles.

On peut toujours aussi regretter la dépense mais il reste que le spectacle est toujours fantastique.


Et ces politiciens, ils livrent notre pays, bafouent notre culture, notre religion, je suis déçue de la France de son manque de courage, de sa volonté d'être forte, respectable.

 



14/07/2019
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